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Néo-physiologie
du goût...,
1839
Cerises
Les
cerises communes, dont la chair est peu colorée, contiennent beaucoup
d'acide et peu. de sucre : elles sont très-rafraîchissantes ; mais quand
on en mange avec excès, elles délabrent l'estomac.
L'espèce commune a cependant donné naissance à des variétés dont la
chair est douce, légèrement sucrée. Celles de ces variétés qui ont la
chair colorée et peu consistante sont les meilleures. La matière colorante
y paraît associée à un principe légèrement astringent qui en facilite
la digestion.
Les meilleures cerises viennent à Paris de la vallée de Montmorency
; mais on remarque que depuis quelques années la bonne espèce est sensiblement
moins abondante. On a planté beaucoup de cerisiers dits anglais, qui
donnent des cerises plutôt brunes que rouges, plutôt amères qu'acides,
et qui n'ont ni la douceur ni la délicatesse de celles sous le nom de
gobets à courte queue, que les amateurs leur préfèrent toujours.
Les bigarreaux et les pignes, quoique bien moins salutaires que les
cerises, sont cependant toujours plus chers à Paris, à grosseur égale.
On fait avec les cerises, surtout dans leur primeur, d'excellentes compotes
; on en fait aussi d'assez bonnes confitures ; on les dessèche au four,
on les botte avec du sucre fin, on les met à mi-sucre, on les met en
conserve ; on les prépare à l'eau-de-vie, en dragées ; on en garnit
des tourtes d'entremets ; enfin c'est un des fruits qui offre plus de
ressource aux officiers, et surtout aux confiseurs.
On prépare avec des guignes, du beurre, du sucre et des dés de mie de
pain grillée, un plat d'entremets qui, lorsqu'il est bien fait, est
un manger délicieux, et cet entremets porte le nom de Soupe aux cerises,
quoiqu'il ne se fasse jamais qu'avec des guignes. A l'exception de cette
préparation, originaire de Plombières, les guignes ne se mangent jamais
qu'étant crues. Il en est de même des bigarreaux ; mais lorsque ceux-ci
sont, confits au vinaigre ils forment un hors-d'oeuvre apéritif très
recherché.
Cerises aux croûtons. - Mettez dans fine casserole
d'argent un pot de confitures de cerises, que vous aurez fait chauffer
; passez au beurre quelques petits croûtons de pain; passez-les ensuite
dans du sucre pulvérisé ; décorez-en le dessus de vos confitures; et
servez pont, entremets.
Cerises en chemise blanche. - Battez un blanc d'oeuf
jusqu'à ce qu'il se mette en neige; trempez-y les cerises les, plus
grosses que vous pourrez avoir, en faisant attention qu'elles soient
bien mûres, et après leur avoir coupé la moitié de la
queue ; après les avoir trempées dans votre blanc d'oeuf, roulez-les
dans du sucre passé au tamis de soie ; ayez soin qu'elles prennent le
sucre bien également ; soufflez sur celles qui en auraient trop pris
; mettez-les ensuite sur une feuille de papier, et mettez-les sur un
tamis à l'étuve jusqu'à ce que vous vous en serviez. Vos cerises doivent
être espacées sur la feuille de papier de manière à ne passe toucher.
Marmelade de cerises au beurre. - Supprimez-en
les queues et les noyaux (vous aurez eu soin de les choisir les plus
belles et les plus mûres possible). Vous les ferez réduire à la moitié
de leur volume dans un bassin et sur un feu doux, en les remuant souvent
avec une spatule ; vous clarifierez et ferez cuire au petit cassé du
sucre; il en faut le double en poids, de vos cerises; vous verserez
les fruits dans le sucre, en remuant jusqu'à ce que la marmelade soit
cuite ; alors vous la retirerez du feu, et vous y mettrez un peu de
beurre, pour en garnir des flancs, des cannellons, des tartelettes et
autres pâtisseries d'entremets.
Cerises frites à la d’Aumont. - Posez douze
cuillerées de confiture de cerises, chacune sur un large pain à chanter,
humectez avec de l'eau un second pain à chanter et appliquez-le sur
le premier en sens contraire ; vos cerises ainsi enveloppées, vous les
tremperez dans une pâte à frire faite avec du beurre au lieu d'huile,
et à laquelle vous aurez ajouté un peu de vin de Madère et de ratafia
de noyaux; faites-leur prendre une belle couleur dans une friture moyennement
chaude ; vous les égoutterez, les poudrerez de sucre fin, et les servirez.
Cerises à l'eau-de-vie. - On choisit
des cerises belles, et pas trop mûres ; on leur coupe la queue à moitié,
et on les met dans un bocal avec quelques clous de gérofle et fin peu
de cannelle ; on fait clarifier un quarteron de sucre pour une livre
de cerises et une pinte d'eau-de-vie . Quand le sucre est au cassé,
on y verse (le l'eau-de-vie à 22 degrés , on mêle le sirop avec l'eau-de-vie
; enfin, quand il est froid, on le verse sur les cerises, et on met
un bouchon de liège sur le bocal, qu'il faudra couvrir, qu'on liera
fortement d'un parchemin mouillé.
Cerises du nord séchées au four. - Choisissez les
cerises dont la chair est rouge et qui, quoique très-juteuse, est plus
consistante que celle des cerises communes ; cette espèce mûrit tard
; il y en a même une variété tirée depuis peu du nord de l'Europe, qui
ne mûrit qu'en septembre. Elles doivent être mûres sans être tournées
; ôtez-en les noyaux et les queues ; arrangez-les sur des claies et
commencez par les exposer an soleil; mettez-les ensuite dans un four
médiocrement chaud, d'où vous les retirerez quand elles en auront acquis
la température ; lorsqu'elles sont refroidies, remettez-les au four,
et continuez ainsi jusqu'à ce qu'elles soient assez sèches pour être
gardées.
En opérant ainsi les cerises restent molles ; leur acidité disparaît
en partie, et elles en acquièrent un goût parfait. On s'en sert agréablement
pour garnir des tourtes et des gâteaux fourrés, pour assaisonner les
puddings et les babas, enfin pour mélanger dans toutes compositions
où il doit entrer de l'écorce de citron confite et des raisins de Corynthe.
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